
Zoom sur 4 questions clés
Après de nombreuses hésitations, l’exécutif s’est prononcé en février pour une relance du programme nucléaire en décidant de construire 6 EPR2 d’ici à 2050. 8 EPR2 supplémentaires sont aussi envisagés pour un total potentiel de 14 EPR2.
Ces 6 EPR2 représenteraient de l’ordre de 10 GW ; l’exécutif se fixe un objectif de 25GW de capacités supplémentaires à l’horizon 2050. Alors que le manque de vision et de constance dans les décisions publiques sont souvent pointées du doigt pour expliquer les déboires de la filière, de nombreuses questions restent encore à éclairer. Nous en retenons 4 ci-après :
Un projet mobilisateur à l’échelle de la société
Pour réussir, le projet nucléaire se doit d’être un projet mobilisateur à l’échelle de la société. Un seul chiffre pour l’illustrer : la filière nucléaire doit désormais recruter dans les années qui viennent l’équivalent de 10 % des effectifs de toutes les écoles d’ingénieurs françaises. A l’heure où EDF mobilise des soudeurs canadiens et américains pour la maintenance du parc, on mesure le chemin qu’il reste à parcourir pour recréer des filières de formation et susciter de l’intérêt dans les populations concernés. Au-delà des initiatives prises (EDF vient de lancer une haute école de soudure dans le Cotentin), quel programme permettra de mobiliser à la hauteur des enjeux ?
La prolongation du parc et l’effet falaise
Il existe un angle mort dans les scénarios énergétiques 2050 de RTE : celle de la validité de l’hypothèse de prolongation du parc existant. Le Président de l’Autorité de Sûreté Nucléaire a alerté à de multiples reprises sur le risque que « la poursuite d’exploitation des réacteurs nucléaires en France soit la variable d’ajustement d’une politique énergétique qui aurait été mal calibrée ». Or, ce sujet exige un dialogue renouvelé avec l’ASN et un niveau d’anticipation tout aussi grand que celui du nouveau nucléaire : il doit figurer au sommet des agendas 2023.
Les points durs de l’aval du cycle
Au-delà des réacteurs existants et futurs, il faut avoir une approche systémique du nucléaire et avancer sur l’ensemble du cycle du combustible dans le cadre d’une vision et d’une programmation. Le gouvernement vient de publier en décembre son cinquième plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) pour les années 2022-2026, un document qui doit servir à piloter sa stratégie en la matière : sera-t-il suffisamment structurant pour apporter des solutions aux sujets clé de l’enfouissement des déchets les plus radioactifs (Cigéo) ou encore de la saturation de l’entreposage des piscines d’Orano à La Hague en 2030 ?
Le potentiel des SMR et AMR
Les petits réacteurs modulaires à eau (SMR, Small Modular Reactors) ou de type avancé (AMR, Advanced Modular Reactors), poussent à son terme la logique industrielle de l’effet série recherché pour l’EPR.
Ils constituent une promesse importante non seulement de renouveau nucléaire mais également de solution à la crise énergétique et climatique, dans leur capacité à déployer dans un calendrier soutenu des sources de production d’électricité et de chaleur décarbonée.
De nombreuses questions devront continuer à être explorer en 2023 :
En dépit de l’importance des défis technologiques et financiers, ces filières voient naître une effervescence de start-up et un intérêt de la communauté financière. Plusieurs projets innovants font ainsi l’objet de développements financés à hauteur de l’équivalent de plusieurs centaines de milliers d’euros (TerraPower, X-energy aux Etats-Unis ou Newcleo en Italie, par exemple).
Comment concilier « effet de série » (qui exigera un nombre restreint de design in fine) et bénéfices de dynamisme et d’innovation liée à cette effervescence (qui nécessite de laisser les portes ouvertes à ce stade) ?
Le gouvernement a lancé, en mars 2022, un premier appel à projets, dans le cadre du plan France 2030, portant sur les réacteurs nucléaires innovants. Un calendrier de trois appels à projets a été défini pour accompagner les projets à différents stades de maturité (Maturation initiale : lancée en mars 2022 - Preuve de Concept : début 2024 - Prototypage : début 2026) pour un montant total de 500 MEUR.
Les moyens consacrés et le calendrier sont-ils les bons ?
En France, le projet Nuward (Nuclear Forward) rassemblent les principaux acteurs de sa filière nucléaire. Le projet est actuellement en fin de phase d’avant-projet sommaire (conceptual design) ; elle sera suivie dès début 2023 par la phase d’avant-projet détaillé (basic design) en vue d’une première réalisation lancée dans la décennie (premier béton en 2030). Au-delà des dimensions techniques se posent les questions du modèle industriel et commercial et de la gouvernance de cette filière :
Quel modèle industriel in fine : nombre de design, nombre d’opérateurs en France… ? Quelle coordination européenne ? Quel schéma de portage commercial à l’international ?
La DGEC et l’ADEME mettent l’accent sur le potentiel de chaleur décarbonée pour la France :
Quelle place pour une filière de chaudières nucléaires non électrogènes, destinées à la chaleur industrielle voire à des réseaux de chaleur, créneau sur lequel se positionne la start-up nucléaire française Jimmy Energy

E-CUBE a développé une forte expertise sur le sujet de « nouveau nucléaire » à travers ses projets récents et l’expérience de ses consultants. Nous serions heureux d’échanger avec vous sur ces perspectives de marché et opportunités. Vous pouvez contacter Pierre Germain (pierre.germain@e-cube.com) pour planifier une discussion sur le sujet.