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Refonte des market designs

La France, symbole d’un hiatus entre prix de marché et coût moyen de production national

Le marché unique de l’électricité en Europe s’est construit sur le principe d’une définition du prix de marché spot sur la base du coût marginal du dernier moyen de production engagé. Ce modèle a permis la mise en place d’un système électrique robuste dans le cadre d’une solidarité à la maille européenne.

Ce modèle est néanmoins remis en cause dans le cadre de la crise énergétique actuelle et de la forte inflation des prix de marché. Il n’est pas surprenant que la France soit en pointe sur ce débat. Le nucléaire se distingue en effet notamment par un coût marginal de production relativement faible. Or, le consommateur français ne bénéficie pas de la part importante de cette filière dans le mix électrique national.

La production d’électricité en France a en effet été assurée en 2021 par les énergie éoliennes, solaires, hydroélectrique et nucléaire à plus de 92%, filières avec le coût marginal de production le plus faible du marché.

Or, le prix que paye le consommateur français, comme les autres consommateurs européens, est un prix indexé sur le prix du gaz naturel qui alimente les centrales de production marginales sur la plaque européenne. Les prix formés sur la base de la combustion du gaz naturel, déconnectés des coûts réels moyens de production d’un MWh, créent une rente dites infra-marginale.

La question posée est donc d’abord celle du légitime niveau de cette rente infra-marginale (qui permet de couvrir les coûts complets de production sur la durée de vie des actifs) mais surtout celle des mécanismes à mettre en place pour capter un éventuel excédent de rentes infra-marginales afin de le redistribuer aux consommateurs (ou de la création d’un mécanisme de formation des prix qui ne crée pas de rente inframarginale excessive).

 

Plusieurs options d’ores et déjà sur la table

L’Espagne a implémenté en mai 2022 un plafond du prix du gaz acheté par les centrales pour faire baisser le prix de l’électricité, solution aujourd’hui envisagée par plusieurs pays Européens. Mais cette solution fait porter un coût important au contribuable et peut inciter à consommer plus de gaz, notamment pour exporter de l’électricité dans des pays n’appliquant pas la mesure.

 

La Commission Européenne a proposé une intervention d'urgence sur les marchés européens de l'énergie pour faire face aux hausses spectaculaires des prix. Elle a proposé un plafond temporaire de recettes pour les producteurs d'électricité «inframarginaux» à 180 EUR/MWh. Les recettes supérieures au plafond seront perçues par les gouvernements des États membres et utilisées pour aider les consommateurs d'énergie à faire baisser le montant de leurs factures.

Ce mécanisme appliqué sans jugement n’est pas sans inconvénient et peut créer des distorsions de fonctionnement des marchés : les ressources de pointes hydroélectriques voyant leur revenu capé n’ont plus d’incitation à réserver leur stock aux périodes de pointes

La France a retranscrit ce mécanisme dans la loi de finance 2023 récemment adoptée ; celle-ci comprend des modalités d’application parfois plus strictes que l’engagement européen.

 

Une solution plus pérenne à définir en 2023

Les discussions sur un changement profond de market design européen, afin d’apporter une solution soutenable à la protection des consommateurs, doivent aboutir au premier semestre 2023 selon le calendrier fixé par la Commission. Plusieurs schémas sont envisagés.

Il est important de relever tout d’abord que le dogme libéral absolu en matière de fonctionnement des marchés de l’électricité a depuis longtemps été abandonné par la Commission Européenne : une part très significative des actifs de production sont développés dans le cadre d’appels d’offres organisés par les Etats membres s’inscrivant dans une politique énergétique planifiée.

Nombre de propositions pourraient conduire à un certain retour du monopole régulé avec l’extension de ces appels d’offres à l’ensemble des filières de production (y compris non renouvelables) organisés par une entité indépendante (acheteur unique). Celle-ci construirait un prix de marché sur la base de la moyenne des LCOE (Leveraged Cost of Energy) de l’ensemble des filières. Les prémices d’une telle orientation sont présentes dans la communication de la Commission « REPowerEU » du 18 mai.

Une alternative de marché consisterait, sur le modèle proposé par la Grèce, de réaliser une dichotomie entre moyens de production non pilotables, au coût marginal nul (qui seraient rémunérés sur la base de la couverture de leur capex) et des autres moyens de production qui continueraient à vendre leur production sur un marché spot. Le prix payé par le consommateur final serait une moyenne pondérée des deux prix.

Enfin, la compétitivité nouvelle des moyens de production renouvelable invite à s’interroger sur la façon dont on peut encourager leur développement hors mécanismes de soutien, dans le cadre du marché : un de freins observés aujourd’hui est le manque de référence de prix de long terme. L’opérateur de marché EEX a lancé des contrats de couverture de risque de long terme (jusqu’à 10 ans sur les marchés espagnol, allemand et italien), mais la liquidité est faible. Selon la voie poursuivie par certains pays (la Grande-Bretagne, la Nouvelle-Zélande, l’Australie ou encore Singapore), la mise en place de mécanismes de teneurs de marché pourrait être explorée en Europe également.

E-CUBE a développé une forte expertise sur le sujet de « refonte des market designs » à travers ses projets récents et l’expérience de ses consultants. Nous serions heureux d’échanger avec vous sur ces perspectives de marché et opportunités. Vous pouvez contacter Hugo De Sevin (hugo.desevin@e-cube.com) pour planifier une discussion sur le sujet.

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