
Lien vers la note complète : le marché de l’effacement industriel et tertiaire en France
Le marché de l’effacement, et plus généralement de la modulation de consommation, connaît un contexte difficile : les prix de l’électricité sont bas1 et le système électrique affiche une surcapacité autant en France2 qu’en Europe continentale3. A l’image des autres actifs de production d’électricité, les revenus de l’effacement sur les marchés ont donc diminué ; les efforts consacrés ces dernières années au développement de règles de marché permettant la valorisation de l’effacement sur les marchés énergie (NEBEF en sus du Mécanismes d’Ajustement – MA) n’ont donc pas permis à date de redonner un espace économique à l’effacement.
Parallèlement, les appels d’offres (AO) du gestionnaire du réseau de transport, dédiés à l’effacement, révèlent désormais des prix en baisse (5 à 15 €/kW/an) par rapport à la période 2008-2012, malgré des volumes en augmentation (+ 15% entre 2015 et 2016).
Dans ce contexte morose, notre étude interroge différents motifs d’optimisme « a priori » sur le court et le moyen terme, pour l’effacement industriel et tertiaire ; il s’agit spécifiquement d’évaluer huit dynamiques (de nature régulatoire, réglementaire ou marché) favorables au développement de cette activité et lui permettant de dégager de nouvelles marges de manœuvre pour les consommateurs et les opérateurs de marché. Le bilan qui peut être tiré de cette revue est nuancé :
1. L’extinction des TRV fin 2015, notamment les tarifs EJP4, libère une capacité d’effacement significative pour les offres de marché. Ces capacités n’ont pourtant pas été à l’origine d’un d’appel d’air : la faible valorisation des capacités sur les appels d’offres combinée à l’accroissement des contraintes sur les flexibilités commercialisées a réduit l’appétence d’une partie des consommateurs.
2. Face à la faible valeur sur l’AO Effacement, les réserves rapides et complémentaires sont considérées comme une poche de valeur significative, mais les contraintes techniques élevées de ces produits limitent encore l’offre compétitive d’effacement, qui est stabilisée à 450 MW.
3. L’ouverture des services systèmes (SSY) à l’effacement, qu’il soit localisé sur le réseau de transport ou sur le réseau de distribution, permet d’envisager le développement sur des produits à délais de mobilisation (DMO, 15 min maximum) très courts et à forte valeur. Cependant, le gisement est encore plus restreint, et la dépendance vis-à-vis de l’opérateur historique (producteur obligé, et donc client potentiel, largement dominant sur le marché) pourrait être un frein au développement de la valorisation de ces capacités, tout du moins à court terme. La possibilité de proposer un produit dissymétrique5 sera un élément clé du développement du gisement.
4. Le mécanisme de capacité est perçu comme une potentielle source de valorisation nouvelle, mais l’hypothèque sur sa mise en place que fait peser l’enquête de la Commission Européenne, combinée aux incertitudes économiques (surplus d’offres pour les premières années, pas d’enchères publiques jusqu’à présent) conduisent au plus grand attentisme de la part des acteurs de l’effacement : seuls 38 MW de capacité d’effacement ont été certifiés à date.
5. La valorisation de l’effacement sur les réseaux de distribution à l’échelle locale, rendue possible à titre expérimental par l’article 199 de la Loi de Transition Energétique (LTE), crée une opportunité de capter une valeur importante mais très localisée. Cependant, le développement de flexibilités sur ce mécanisme de valorisation bute sur de nombreuses inconnues techniques (méthodes de dimensionnement, d’activations), économiques (valorisation des coûts évités pour les gestionnaires de réseau de distribution) et réglementaires (partage des responsabilités) ; les opérateurs d’effacement ne s’engageront pas dans cette voie tant que ces incertitudes ne seront pas levées.
6. L’exploitation conjointe d’un portefeuille de production ENR fatale et d’effacement pourrait être créatrice de valeur ; l’opportunité est identifiée par la plupart des opérateurs d’effacement, mais la valeur reste limitée en France (quelques euros par MWh tout au plus), en raison d’un faible coût des écarts.
7. L’évolution du mécanisme d’interruptibilité, suite à la Loi de Transition Energétique, pouvait laisser craindre une réduction du gisement technique accessible pour les effaceurs ; le cumul toléré de l’interruptibilité et des AO de RTE pourrait accroître l’intérêt des consommateurs pour l’effacement, sans pour autant phagocyter le marché de l’effacement.
8. Le cumul des différents mécanismes pour une même capacité d’effacement n’est pas nécessairement une solution intéressante : actuellement, les mécanismes sans engagement de disponibilité (NEBEF, MA) n’apportent que peu de valeur, et le cumul des vecteurs de valorisation actuels avec le mécanisme de capacité pourraient se compenser entre eux, au lieu de se cumuler.
9. Parallèlement, les projets de Programmation Pluriannuelle de l’Energie envisagent une hausse à moyen terme de la capacité d’effacement jusqu’à 6 GW. Face à cette ambition, les dynamiques présentées ci-dessus laissent les opérateurs d’effacement perplexes : de nouvelles dispositions réglementaires ou régulatrices devront probablement être envisagées pour réconcilier cette ambition et la réalité économique de cette activité, peu favorable a minima pour les 2 ou 3 ans qui viennent.
1- 33 €/MWh pour les produits base sur les 3 prochaines années 2- Comme le montre la marge de capacité identifiée dans le Bilan Prévisionnel 2015 de RTE 3- Comme en témoigne les fermetures ou mise sous cocon d’actifs de production gaz 4- Tarifs Réglementés de Vente avec option Effacement Jour de Pointe 5- Uniquement à la hausse, au sens du mécanisme d’ajustement
Crédit photo : Jason Blackeye sur unsplash